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LES SEPT SORCIERES

 

Jordi, un jeune pêcheur de Gruissan, n'était pas du tout content de retrouver chaque matin sa barque mouillée. De toute évidence, quelqu'un s'en servait pendant la nuit.

Il voulut en avoir le coeur net et se cacha donc un soir derrière une dune.

Sur le coup de minuit, il entendit que des gens venaient. C'étaient des femmes dans de longues robes. Chacune tenait dans la main une petite lumière. Elles s'approchèrent de la barque et la poussèrent à la mer.

L'une de ces femmes prononça des mots que Jordi ne comprit pas et la barque aussitôt disparut dans la brume.

Jordi retourna chez lui. Le lendemain il retrouva son bateau tout mouillé. Cette fois il avait sa petite idée.

Il décida de savoir où ces femmes allaient avec sa barque. Un soir, il alla s'y cacher tout au fond et attendit patiemment. A minuit les sept femmes arrivèrent. L'une d'entre elles dit :

- Pars pour une, pour deux, pour trois...

Elle compta jusqu'à sept. Le bateau ne bougea pas. Une autre femme éclata de rire, disant qu'elle comptait pour deux maintenant, car elle se croyait enceinte.

- Huit.

Le bateau partit avec Jordi dedans.

La barque fila sur la mer, comme poussée par le vent. Très vite, elle aborda un rivage inconnu. Tout près de la grande plage de sable poussaient d'immenses palmiers Les sept femmes ne furent pas dépaysées. Elles empruntèrent un sentier. Jordi, intrigué, les suivit.

Elles entrèrent dans une maison toute éclairée. On aurait dit un palais où se donnait une grande fête. On entendait des chansons, des rires, des cris, parfois des injures. On sentait de bonnes odeurs de nourriture, de fruits et de parfums.

Beaucoup de monde allait et venait. Ils parlaient entre eux une langue que ne comprit pas Jordi. Où était - il ? Il ne le savait pas très bien. Il pensa que l'on parlait arabe autour de lui, et qu'il était donc en Egypte.

Avant d'aller se cacher à nouveau au fond de la barque, le pêcheur coupa une petite palme et l'emporta avec lui.

Les sept femmes revinrent avant le lever du jour. Elles montèrent toutes dans la barque et celle qui commandait compta jusqu'à huit. La barque s'élança sur la mer, comme portée par le vent. Elle aborda à nouveau au rivage de Gruissan. Les femmes se pressèrent pour rentrer au village.

 

Lorsque Jordi raconta à ses voisins qu'en une seule nuit il avait traversé la Méditerranée et était allé en Egypte, on crut qu'il avait trop bu. Comme ce n'était pas son habitude, et lorsqu'il montra la palme, on se dit qu'il devait y avoir quelque sorcellerie.

Jordi en était persuadé.

Le dimanche il alla à la messe et fut très attentif. Le curé se plaignit qu'il y avait dans le village quelques esprits rebelles. Jordi alla le trouver et lui dit de mettre du sel sur le seuil de son église car à cette époque, on mettait du sel sur le seuil des portes pour éloigner les sorcières.

Jordi resta avec le curé le dimanche suivant pour voir ce qui allait se produire.

Sept femmes ne tardèrent pas à arriver ensemble. Mais, brusquement, elles ne purent entrer dans l'église. Elles poussèrent un cri de surprise et s'enfuirent en courant.

 

C'est ainsi que l'on connut les sept sorcières de Gruissan.

 

Texte tiré des "Contes traditionnels du Languedoc"

Auteur : Michel COSEM

Editions MILAN

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